Nous voilà de nouveau aux urnes

Il n'aura échappé à personne que nous subissons depuis au moins 2007 un management qui part de l'idée qu'il faut priver les institutions publiques (hôpitaux, universités, etc.) d'une partie des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement pour qu'elles se lancent d'elles-mêmes dans un effort de rationalisation et de diminution des coûts, au risque de perdre de vue ce qui devrait rester leurs priorités naturelles (santé, éducation, etc.).

 

 

            Indépendamment des orientations politiques nationales (ministères Pécresse, Fioraso, Vidal) et des équipes présidentielles, cela s'est traduit dans l'université par une gestion par les économies à court terme, par une quête de rentabilité tous azimuts et par une prépondérance de critères quantitatifs.

            Toutes les universités sont logées à la même enseigne, mais l'UN se distingue par une forme de radicalité dans la mise en œuvre de cette politique. Certaines universités ont mieux protégé l'enseignement, dont l'UN semble avoir fait sa variable d'ajustement. D'autres ont mieux protégé le secteur des lettres et sciences humaines, que l'UN a délibérément délaissé. La marge de manœuvre est étroite, mais le contexte national n'exonère pas les équipes présidentielles qui se sont succédé à Nantes depuis 2012 (Laboux I et II ; Bernault) de leurs responsabilités dans la dégradation de nos conditions de travail et des conditions d'études des étudiant.e.s.

            Après de multiples expérimentations, l'UN s'est lancée dans le projet Next2, initiative dite d’excellence, qui a connu un coup d'arrêt en 2019 après la défection d'un partenaire. Il a été relancé malgré le désaveu des élections universitaires de 2020, où les adversaires du projet avaient pourtant fait jeu égal avec ses promoteurs. Il sera mis en œuvre dans un contexte de crise sanitaire qui ne favorise pas le débat et qui aurait pu conduire à se donner d'autres priorités.

            Nous voilà donc de nouveau aux urnes pour élire nos représentants au CA, au CAC et - c'est une nouveauté - aux conseils des pôles : ces instances intermédiaires entre les conseils de composantes et le CAC constituent un niveau supplémentaire dans un édifice où la pénurie est érigée en technique de gestion et où chaque échelon transmet au suivant la pression budgétaire qu'il subit lui-même.

Le montage institutionnel de Nantes Université, qui bénéficie d'une dérogation au Code de l'Education, crée une ambiguïté profonde dans les relations entre les pôles et la présidence de l'université. On peut méditer la différence entre la gouvernance de Hongkong, où le chef de l'exécutif est élu tous les cinq ans par un collège électoral de 1200 citoyens parmi deux ou trois candidats proposés par le parti communiste chinois, et la gouvernance de nos pôles, où "les Directeurs [...] sont nommés par le Président de l'université sur proposition de l'instance du pôle et après avis du Directoire", étant entendu que "l'instance du pôle propose jusqu'à trois noms au Directoire". C'est une logique profondément antidémocratique : que dirait-on d'un Etat dont la constitution prévoirait que l'élection des maires des grandes villes doive être approuvée par le gouvernement ?

            Entre les listes NUD (Notre Université Demain) aux élections centrales et des listes sans affiliation claire aux élections polaires, il règne une certaine confusion. Sur le terrain, nous observons un décalage entre les réalités vécues par les collègues et le discours porté par les équipes dirigeantes au moment des élections. Une clarification s'impose si nous ne voulons pas connaître au niveau du pôle les mêmes dérives institutionnelles et académiques qui se sont déjà produites dans certaines composantes particulièrement exposées.

            Les candidat.e.s des listes Ensemble entendent exercer pleinement leurs responsabilités en renforçant les pouvoirs de contrôle et en proposant à l'équipe présidentielle un dialogue constructif et critique. Nous défendons une vision de l'enseignement supérieur conduit par les enseignant.e.s et les enseignant.e.s-chercheur.e.s, d'un enseignement pluriel et d'une recherche menée conformément aux règles d'une démarche scientifique rigoureuse, affranchie de toute contrainte d'utilité immédiate. L'histoire des sciences et les événements récents montrent à l'envi que c'est ainsi que la recherche peut le mieux contribuer à répondre le moment venu aux « grands défis sociétaux ». Cela suppose notamment : la protection de l'autonomie des enseignant.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s, et la stabilité de l'emploi de l'ensemble des personnels de l'enseignement supérieur, pour leur permettre de s’engager dans la durée et pour favoriser leur créativité ; l'augmentation des moyens humains et financiers affectés prioritairement aux départements, aux laboratoires et aux équipes ; le développement d'une interdisciplinarité durable entre les différents champs scientifiques.


Nous constatons et nous déplorons depuis de nombreuses années :

- l'émergence à la tête de l'université d'une caste politico-administrative composé d'universitaires se spécialisant dans l'administration (de faux managers qui ne veulent plus enseigner ni faire de la recherche) et de cadres administratifs embauchés en grand nombre ;

- une politique RH qui étrangle les composantes et les départements au motif que nous devons nous serrer la ceinture dans un effort solidaire ;

- la multiplication des emplois LRU, qui devraient être réservés aux situations d’urgence ;

- la raréfaction des emplois ATER qui constituent pourtant un élément crucial dans le soutien aux jeunes chercheurs ;

- un discours qui met en avant l’excellence qui selon l'équipe présidentielle demanderait un assouplissement des règles de recrutement, mais en même temps un appui parfois très concret à des recrutements de contractuel.le.s sans diplômes ni concours pour enseigner pour certains des disciplines qu'ils n'ont jamais étudiées ;

- une politique de recherche dirigiste héritée du projet Next1, avec des priorités qui excluent les LLSHS, ou au mieux leur confèrent un rôle ancillaire ;
- le décalage entre un discours sur la démocratie universitaire et une pratique constante de désaveu du travail des instances élues (conseils de gestion notamment, qui sont régulièrement contournés quand ils ne votent pas dans le bon sens) ;

- un discours sur le bien-être qui s'accompagne d'un défaut d'attention aux dérives morales qui ont pu être constatées dans certaines composantes et aux souffrances qui en découlent ;

- l’attitude d’un service juridique qui est avant tout occupé à couvrir les incohérences et les fautes des dirigeants de l'université plutôt qu'à faire émerger des pratiques respectueuses des règles du droit ;

- une stratégie internationale défaillante, remplacée par l'adhésion opportuniste au consortium EUniWell, quand en même temps les anciens partenariats avec des universités étrangères (Cardiff, Düsseldorf) sont de fait abandonnés depuis plusieurs années ;

- une priorité donnée à une politique de communication coûteuse au détriment de l'effort réel, par exemple pendant la pandémie (effets d'annonce sur les dispositifs techniques, mais affiches MERCI XY réalisées par une agence de publicité) ;
- le recours abusif aux cabinet de consultants pour étudier la "déclinaison organisationnelle de la filière « formation »", proposer du "coaching" aux équipes de direction, etc. ;

 

Nous pensons qu’une autre politique est possible et que le travail des élus dans les instances centrales et dans les conseils de pôle devra construire un dialogue exigeant et critique avec les équipes qui dirigent l’université. En particulier, nous voulons :

- veiller à un juste répartition des ressources qui préserve l’identité et la cohérence de tous les champs disciplinaires ;

- permettre à tous les personnels de consacrer leur temps à remplir leurs missions fondamentales, et non à pallier les dysfonctionnements de l’institution ;

- reconnaître l'investissement administratif, notamment par des décharges et des heures référentielles, sans que ces acquis soit annulés par la pénurie des postes et la pression des heures complémentaires qui font que beaucoup de collègues ne peuvent en bénéficier sans mettre en péril l'organisation des equipes pédagogiques ;

- encourager les demandes de CRCT et de CPP dont le faible nombre s’explique en partie par les réticences des collègues à mettre en difficulté leurs départements ;

- promouvoir la rénovation pédagogique et la modernisation des enseignements en accordant les moyens nécessaires en matériel et en personnel, pour que l'hybridation des enseignements ne devienne pas un moyen de gérer la pénurie des postes et des salles ;

- considérer l'approche par compétences comme un instrument d'analyse parmi d'autres dans la construction des schémas de formation, au lieu de l’imposer dogmatiquement ;

- développer une gestion pluriannuelle des effectifs partout où c'est possible ;

- réaffirmer la valeur des diplômes et des concours : le doctorat ou un concours du second degré doivent rester la référence pour obtenir un emploi pérenne à l'université ; l'HDR doit rester la règle pour l'accès au grade de PU ;

- ne pas confondre la défense des précaires et la défense d’un système qui produit et entretient le précariat ;

 - reconnaître l'investissement des collègues en situation précaire  (personnels enseignants et Biatts) en élargissant les possibilités de titularisation et proposant des voies d'intégration ;

- relocaliser les écoles doctorales dans les pôles pour rapprocher les gestionnaires des doctorants  et des encadrants et fluidifier les relations entre écoles doctorales et unités de recherche.

 

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